Le film s'ouvre sur l'intérieur du Nostromo dont on a d'abord fait le tour : perdu dans l'infini de l'espace, il constitue un lieu totalement artificiel, formant un environnement technique figé et hostile, dans lequel la vie humaine ne semble pas avoir sa place. Il reste bien quelques vestiges de ce que l'on suppose être une vie, comme des tasses vides, un livre, des blouses, mais tout y semble hostile à la vie.
Les sept passagers que l'on découvre, dans une salle d'une blancheur clinique, sont endormis pour plusieurs mois dans des sortes de cocons qui ont l'apparence de cercueils. Inconscients, ils s'en remettent totalement à la technique qui les porte en son sein, et à l'ordinateur de bord, "Mother". En ce sens, l'aliénation à la technique semble d'abord couper les hommes d'eux-mêmes : ils ne sont plus fils et filles de la nature mais de la technique, à laquelle ils s'en remettent quant à leur vie comme l'enfant à sa mère. Cela constitue une première altération.
Lorsque le signal capté va conduire à leur réveil et les ramener à eux, l'atmosphère à bord s'anime (un souffle de vent soulève des papiers), en même temps qu'un sentiment de menace, d'inquiétude latente, donne à pressentir que quelque chose de caché est là, quelque part, dans l'ombre. On peut alors se demander : à quoi vont-ils devoir faire face, une fois déliés de l'aliénation d'une conscience endormie entre les mains de la technique ?
La seconde altération va leur advenir sous la forme de ce qui est d'abord secret, mystérieux, opaque : un œuf, cachant sous sa coquille ce qu'il renferme. Ce qui se trouve présent bien que caché est effrayant, si bien qu'il apparaît plus prudent de le conserver caché, mais dans le même temps il suscite une forme de désir de le révéler. De la même manière que, dans un film d'épouvante, on veut tout à la fois ne surtout pas voir surgir ce dont on ressent la menace, en même temps qu'on désire ardemment sa révélation, ce qui échappe à la conscience qui en pressent la présence secrète suscite autant de désir de le connaître que de crainte. Faut-il, alors, révéler ce qui est caché, ou bien au contraire le maintenir caché ? Ripley, qui dans le début du film se montre la plus réfléchie, est aussi celle qui se montre la plus prudente : elle préfèrerait garder l'Alien et son hôte en quarantaine plutôt que de les conduire dans l'intérieur du Nostromo afin d'en percer le secret ; elle s'oppose violemment à Ash, voudrait renvoyer l'Alien dans l'espace plutôt que de chercher à l'étudier. Elle a fait, dès le début, le choix de la distance, de la maîtrise, plutôt que celui de la curiosité et de l'inconnu ; or elle sera, avec le chat Jones, la seule survivante de l'équipage : est-ce en raison de sa prudence ?
Le film présente deux figures de l'Autre, qui ont en commun de ne pas être dotées de conscience.
Mais ces deux figures de ce qui apparaît d'abord dans son altérité ne sont-elles finalement pas comme une sorte de miroir de l'humain, voire quelque chose de lui ? Si l'intelligence artificielle se construit en compilant des données issues de l'activité de l'intelligence humaine, quelle relation l'homme entretient-il à cet Alien polymorphe, monstrueux, tapi dans l'ombre ?
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